Une ombre au tableau

Certaines marches ont la nudité verticale. Tirées au cordeau. Raides. Plus vides que d’autres… Sans âme qui vive, ni congénère à saluer, ni rencontre fortuite… Lors de ces cheminements de carence, j’en viens parfois à considérer les grands pylônes électriques comme de nouvelles espèces d’arbres nécessaires, endémiques à l’Humanité et à les accepter tels des novices de la confrérie forestière ; et les lignes qui les relient, comme d’inédits sentiers à suivre non plus des pieds mais des yeux. Eh oui… Quand on cherche à mendier, on ne se résout que rarement à la fatalité…
De ce silence et de ses ombres traçantes naissent souvent de nouvelles retrouvailles. Ainsi, l’autre fois, réduit à ces oraisons déshabillées, je me disais que j’avais peut-être pénétré dans Le Fatal Bois des Pas Perdus, cette grande forêt pleine de labyrinthes, dédales, énigmes où règne le nain Roulon dont le plaisir licornien est d’errer dans les servitudes de passage pour y égarer les passants. C’est un fanfaron, ce Roulon ! Parce que depuis son lac d’altitude alpin, il engendre deux ruisseaux qui deviennent et le Rhin et le Rhône, il se prend pour le père de la Méditerranée et de l’Océan (non, mais !?).
Pourtant l’heure est grave… Je sais que celui qui est entré dans ce bois n’en ressort jamais… Mais peut-on vraiment rentrer dans ce dont on ne ressortira jamais ? Au delà de cette rhétorique facile, la question me fige… Car chacun de nos pas est un pied-de-nez à la liberté…
Une douce rage rebelle !