Ces pélerinages sans Compostelle…

Caspar David Friedrich est vraiment le peintre des randonneurs. Solitude, Ciel et (tout) Petit Homme.
N’importe laquelle de ses toiles nous ramène à ce triangle isocèle.
Nous sommes si petits, enfouis sous ce vaste ciel qui délimite au fusain notre solitude de marcheur. A l’âme, au corps (et à la cheville !), Caspar nous porte. Que l’on soit tour à tour fatigué, endolori, ragaillardi, tout frais-naïf du matin ou extatique, il est le chemin de nos yeux dans ces pélerinages sans Compostelle, celui qui redonne l’envie aux paysages traversés par simple transfiguration. J’aime superposer à un paysage moderne que je traverse, une toile du Caspar. Comme un filtre qui viendrait se poser en douceur entre nos yeux et la réalité extérieure.

Et pour un marcheur au long cours, contempler une simple reproduction de Caspar – même de mauvaise qualité – depuis un décor impersonnel et froid comme un bureau ou une chambre d’hôtel est la première marche du voyage, son premier pas.
Mais si la Nature est l’Homme qui participe de Dieu, quelle place reste-t-il à la Création ?
Cette question « péri-spinozienne », Caspar nous la repose sans cesse avec un mélange de tendresse et un soupçon de candeur… Quitte à voir fondre sur lui les hérauts bien pensants des religions révélées…

Marcher est une Révélation.
C’est l’Etre – déjà – au Paradis, accompli dans le vaste mouvement immobile du Tout.
Je marche, donc j’ai été…
Reste alors à l’Eternité à ne connaître que des contemporains et plus aucun survivant pour paraphraser maladroitement Herman Hesse.

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